***Le "paquet énergie-climat", qui doit permettre à l'Union européenne d'atteindre ses objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, est attaqué de toutes parts : l'Allemagne, l'Italie et les nouveaux pays membres redoutent qu'il n'affaiblisse encore l'économie touchée par la crise. Alors que la présidence française de l'Union tente d'aboutir à un accord avant la fin 2008, Stavros Dimas, commissaire européen à l'environnement, défend ce plan, dont il est l'un des architectes.
Craignez-vous la dilution des efforts européens de lutte contre le réchauffement ?
Beaucoup de gens veulent utiliser la crise financière comme un prétexte pour reporter ou affaiblir nos propositions. Or, selon moi, la lutte contre le réchauffement va permettre de lutter contre la crise économique. Les mesures en faveur des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique doivent stimuler la croissance, car elles vont promouvoir l'innovation et la création de nouveaux emplois. Si vous épargnez un euro d'électricité, vous pouvez l'utiliser différemment dans d'autres secteurs, le logement ou l'alimentation. Nous comptons fortement sur le soutien et le leadership de M. Sarkozy pour atteindre un accord d'ici à la fin de l'année.
Les industriels et les détracteurs du "paquet" surestiment-ils son impact économique ?
Oui, clairement. Les coûts générés par le "paquet" sont avant tout des investissements en faveur des énergies renouvelables et des économies d'énergie. Au total, ces dépenses se montent à 60-70 milliards d'euros par an. Elles vont stimuler la croissance. Cela ne sera pas une perte nette pour la richesse nationale et l'économie européenne. Si vous investissez dans des réseaux électriques plus modernes, vous économiserez de l'électricité. De plus, tous les revenus tirés de la mise aux enchères des quotas d'émission dans l'industrie iront dans les caisses des ministères des finances.
La Pologne et l'Italie ont menacé de mettre leur veto au "paquet". Craignez-vous cette menace ?
Les coûts avancés par l'Italie (25 milliards d'euros) sont très largement surestimés. Le premier ministre polonais a par ailleurs dit, ces derniers jours, en Chine, qu'il voulait un accord en décembre sur le "paquet" ; c'est très bien. La plupart des préoccupations exprimées à ce jour en Europe seront résolues en cas d'accord international ambitieux sur le climat à Copenhague, à la fin 2009. C'est du moins notre objectif. Un mouvement sera sans doute possible après l'élection américaine, puisque les deux candidats en lice s'engagent dans la lutte contre le changement climatique.
Les demandes allemandes d'octroyer des quotas gratuits d'émissions de gaz à effet de serre à quatre secteurs - le ciment, la chimie de base, les fabricants de chaux et la sidérurgie - sont-elles acceptables à vos yeux ?
Le sort réservé aux industries énergivores préoccupe plusieurs secteurs et sous-secteurs dans différents pays comme l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne. Nous devons trouver des solutions spécifiques dans les prochaines semaines. Nous avons proposé soit de donner des allocations gratuites à ces secteurs, soit d'inclure les importateurs dans notre système d'enchères sur les droits à polluer. Je crois que les bonnes réponses peuvent être trouvées sans diluer l'ensemble. La délocalisation des industries les plus consommatrices en énergie vers des pays où les contraintes environnementales sont plus faibles ne serait pas bonne pour des raisons économiques, mais aussi écologiques. Nous voulons préserver les emplois et réduire les émissions.
L'idée d'un mécanisme d'ajustement aux frontières, défendue par le gouvernement français, est-elle toujours d'actualité ?
Il faut être précis. Nous ne parlons pas d'une "taxe carbone". Nous réfléchissons à l'inclusion des importateurs dans notre système d'enchères. Il s'agit d'une mesure d'égalité entre nos producteurs et ceux qui produisent ailleurs. A mon avis, ce n'est qu'après les négociations internationales, à Copenhague, que nous devrons choisir ce que nous voulons faire pour éviter des délocalisations.
Propos recueillis par Philippe Ricard
LE MONDE |
31.10.08
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