***Les beaux scores d'Europe Ecologie du premier tour sont encore dans tous les esprits. Et l'ivresse de la victoire de la gauche au second tourne encore la tête des écologistes. Mais Daniel Cohn-Bendit en est déjà à l'étape suivante. En publiant, lundi 22 mars, dans Libération, une tribune intitulée "Appel du 22 mars" invitant à la structuration rapide d'Europe Ecologie, le leader écologiste veut pousser les feux.
Partant du constat lucide que les dirigeants d'Europe Ecologie ont tardé à donner forme à leur mouvement, "au risque de laisser le rêve en friche", écrit-il, M. Cohn-Bendit veut "incarner l'écologie politique dans un corps nouveau, une forme politique largement inédite". Pour ce faire, foin de parti politique classique, "ça, c'est le monde d'hier", insiste le député européen. La "métamorphose" nécessaire doit passer par l'invention d'"une coopérative politique" et la constitution partout de collectifs pour les transformer en "sujet politique autonome", dit-il encore. En clair, le leader européen estime que les quelque 18000 signataires d'Europe Ecologie ont été laissés en jachère et qu'il faut les organiser indépendamment des Verts.
A ses yeux, il est temps d'en finir avec les décisions à double niveau qui ont émaillé ces derniers mois, avec, d'un côté, les instances d'Europe Ecologie – le comité d'animation et de pilotage et le bureau exécutif – et celles des Verts.
L'idée est de construire une structure unique à double étage : une "chambre haute" rassemblant les structures politiques déjà existantes – les Verts et non Verts, dont les dirigeants actuels d'Europe Ecologie ; une "chambre basse" où se retrouveraient les adhérents directs. Ces derniers gardant toujours le dernier mot dans les décisions nationales. A côté, serait installé un "parlement de l'écologie" rassemblant les associations et les syndicats souhaitant travailler avec les écologistes.
Désormais très volontariste – au risque d'être dirigiste –, Daniel Cohn-Bendit imprime sa marque, et même son rythme. "Je veux que la création du mouvement intervienne fin 2010, pour pouvoir se positionner sur les primaires et négocier avec le PS", martèle-t-il.
Il pousse son projet en rebaptisant les comités locaux en "collectifs Europe Ecologie-22mars" qui devront élire des représentants pour une "grande convention de l'écologie"; ces derniers éliront alors un collectif de direction et adopteront une charte politique préparée par Eva Joly et Philippe Meirieu.
Mis à part l'ex-communiste Stéphane Gatignon, l'accélération donnée par "Dany" n'est guère appréciée. Le débat était en effet lancé depuis plusieurs mois entre les Verts et leurs partenaires d'Europe Ecologie. "Nous avons entre six et neuf mois pour débattre, et la question des primaires n'est pas prioritaire. Il faut d'abord inventer un véritable projetalternatif", tempère Pascal Durand, délégué général d'Europe Ecologie. Ce dernier devait tenir mardi une conférence de presse avec les députés européens Jean-Paul Besset, Yannick Jadot, José Bové, mais aussi les Verts Dominique Voynet et Noël Mamère pour dire leur "envie d'une organisation commune". Histoire de ne pas laisser "l'ami Dany" seul à la manœuvre.
Le comité d'animation et pilotage (qui réunit les personnalités d'Europe Ecologie et les Verts) a prévu un calendrier progressif : des assises régionales les 8 et 9mai, une convention interrégionale des comités locaux début juin, une rencontre lors des journées d'été des Verts, et des assises fondatrices fin 2010. Les Verts tiennent à ce que se mette en place une structure souple qui fasse coexister des adhérents directs et leur parti. "Il est important de donner l'image d'un projet vivant. Mais on ne construit pas sur des cendres", prévient Cécile Duflot.
Le positionnement politique, lui, n'est pas encore clairement discuté, mais divise déjà. Aux appels du pied de M.Cohn-Bendit à Antoine Waechter et Corine Lepage, les Verts, mais aussi plusieurs personnalités d'Europe Ecologie, répondent par leur attachement aux valeurs de gauche: "Nous, on sait d'où on vient et où on va. C'est avec la gauche", assurent-ils.
C'est la raison pour laquelle il est pour l'instant hors de question d'être absent de la présidentielle : "Ce serait une erreur stratégique au moment où nous devenons la troisième force politique", insiste Jean-Vincent Placé, numéro deux du parti. Les désaccords sont réels, mais tous le jurent: "On travaille dans la confiance."
Sylvia Zappi
Le Monde
23.03.10
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