samedi, mars 12, 2011
*La Stratégie pour les Roms innove au moyen d'une "carte de crise" européenne...*
Lors de sa session plénière du 8 mars, le Parlement Européen débat du rapport sur la Stratégie pour les Roms de Lívia Járóka, députée du Parti populaire européen. Sa proposition phare serait la création d’une « carte de crise » européenne, qui aiderait à résoudre les problèmes des personnes socialement défavorisées, a annoncé la députée dans un entretien au site eu2011.hu.
Les Roms sont confrontés à la discrimination dans la plupart des pays européens. Pourtant, votre rapport ne se focalise pas sur la discrimination elle-même, mais sur les origines économiques et sociales de la marginalisation des Roms. Ces mêmes problèmes affectent des couches beaucoup plus larges. Ne craignez-vous pas que la Stratégie ne se concentre pas suffisamment sur l’objectif désiré ?
Les recherches indiquent que la discrimination à l'égard des Roms n'est pas seulement due à leur origine ethnique, mais essentiellement à une interaction de plusieurs facteurs économiques. Ceci vaut également pour l'enseignement offert aux enfants roms : bien que la ségrégation ethnique par ailleurs illégale dans les écoles soit encore très répandue aujourd'hui, le plus grand fossé sépare non pas les Roms et les non-Roms, mais les enfants de parents qui ont un travail et ceux de parents économiquement inactifs.
Un des principes essentiels du rapport sur la Stratégie européenne pour l'intégration sociale des Roms tient au fait que dans certains domaines d'action, il faut dissocier de manière générale les problèmes sociaux et économiques, d'une part, des problèmes d’origine ethnique, d'autre part. Les questions relatives à l’emploi, à la santé et au logement doivent être introduites dans la planification politique générale et seuls les problèmes relevant de la discrimination ethnique, de la culture et de l’identité doivent être gérés en fonction de l’origine ethnique.
Pourriez-vous citer des exemples concrets?
En Hongrie par exemple, seul un tiers des personnes vivant dans la pauvreté sont Roms et un tiers seulement des Roms vit dans une pauvreté aiguë. On peut en déduire que la Stratégie est beaucoup plus efficace et plus adéquate si l’on définit les groupes cibles selon des critères non pas ethniques mais plutôt socio-économiques.
J’aimerais souligner à cet égard qu’il ne s’agit pas d’une lutte contre la pauvreté générale calculée strictement sur la base des revenus. Il est en effet question d'une forme spéciale de la pauvreté, à savoir la misère des couches non éduquées des économies en transition, laquelle se concentre dans les campagnes et les banlieues des villes.
Un des points clés de votre rapport consiste à attirer l’attention sur les aspects de la marginalisation invisibles d'un point de vue statistique, à savoir sur le fait qu’au sein de régions jugées développées et ne bénéficiant plus de subventions, ils existent encore des micro-régions qui ont besoin d’aides. Comment proposez-vous de résoudre ce dilemme?
L’inégalité au sein des régions est effectivement souvent beaucoup plus importante que l'inégalité entre les différentes régions. Dans la mesure où le développement touche essentiellement les capitales régionales, la polarisation entre les sous-régions augmente, ce qui précipite davantage encore le déclin des périphéries déjà en retard de développement. Les villes désavantagées ne disposent pas de suffisamment de ressources propres pour faire usage des aides qui sont par ailleurs accessibles, pour mener à bien les démarches administratives nécessaires afin de pouvoir en bénéficier. Elles ont, dans la course aux aides communautaires, un retard qu'elles ne peuvent rattraper. Je suis d'avis qu’il faut sortir ces régions de cette course désespérée et créer à leur intention des programmes complexes et intensifs, propres à leurs besoins spécifiques, afin d'enrayer leur déclin.
La principale initiative sur laquelle repose mon rapport y est liée, et est soutenue par la présidence hongroise : il faut créer une « carte de crise », qui évalue et localise, sur la base d’indicateurs communs, les régions les plus touchées par la misère et la discrimination dans l'ensemble de l’Europe, en prenant notamment en compte la disponibilité des emplois, la distance par rapport au centre-ville, le taux de chômage, la qualité des services publics, les conditions environnementales, l’infrastructure, les salaires et le niveau de scolarisation de la population, le fonctionnement des transports publics et l'ampleur des tensions sociales.
On assiste toujours à de vives négociations entre Etats membres au sujet des aides régionales. Ne craignez-vous pas qu’une fois devant le Conseil, votre proposition ne soit édulcorée ?
Mon rapport comprend de nombreuses initiatives en vue d'une optimisation et d'une meilleure efficacité dans l'utilisation des aides financières nationales et de l’Union, lesquelles n’ont jusqu’à présent pas atteint leurs objectifs, n'ont pas eu les effets escomptés ou n’ont même pas étés lancées. De ce point de vue là, il n’y a aucune concurrence entre Etats membres. Il est par ailleurs de l'intérêt de chaque Etat membre de combler le retard de ses régions, puisque ces régions qui n’arrivent pas à décoller affectent le développement économique et social dans son ensemble. Si cette situation n'est pas résolue, elle risque de paralyser le budget et de susciter des tensions imprévisibles entre Etats membres.
Qu’est ce qui garantit à votre avis qu'un cadre d’action véritablement fonctionnel verra le jour?
Je pense que la Commission doit absolument prendre ses responsabilités dans la supervision, la coordination, le contrôle et l’évaluation de la Stratégie, et mener une évaluation permanente des plans d’action des Etats membres visant à les mettre en œuvre, en formulant des avis au préalable.
Il est aussi très important de définir clairement les priorités, les objectifs, et les valeurs nationales minimales qui y sont liées. De même, il est important que la Commission fasse rapport au Parlement européen et au Conseil sur une base annuelle et qu'elle fasse des propositions concernant les modifications à apporter.
Il faut également offrir aux pays candidats ainsi qu'aux candidats potentiels, en particulier les pays des Balkans occidentaux, la possibilité de s'associer à la Stratégie.
La Stratégie concerne de nombreux domaines politiques qui sont essentiellement de la compétence des Etats membres, comme par exemple l'enseignement et l’emploi. Comment peut-on inciter les Etats membres à prendre des décisions qui soient justes ?
Plusieurs Etats membres ont, de manière informelle, soutenu l’idée de lier directement les résultats de la Stratégie à l'attribution des aides, notamment au moyen de l’introduction d’un mécanisme de « récompense », prévoyant le paiement ultérieur de ces « récompenses » à partir d’un bonus de performance qui pourrait être réservé de la partie non utilisée du budget de cohésion.
Ce mécanisme de « récompense » a posteriori pourrait contribuer à mettre un terme à la pratique controversée des Etats membres contributeurs nets, qui ont un intérêt à ce que des aides allouées à cet effet ne soient pas utilisées afin de se faire rembourser ultérieurement. Cette réserve pourrait par ailleurs contribuer de manière non négligeable et constituer une incitation déterminante au lancement de programmes qui mettent en œuvre les objectifs de la Stratégie.
08 mars 2011
Bien à vous,
Morgane BRAVO
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