***En Europe, premières critiques contre Catherine Ashton à l'occasion du séisme en Haïti
La Britannique a renoncé à se rendre à Port-au-Prince pour se concentrer sur son premier déplacement aux Etats-Unis. Elle devait s'entretenir de la situation en Haïti, vendredi 22 janvier, avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, à New York, après avoir vu Hillary Clinton, la veille à Washington. C'est le commissaire sortant au développement, le Belge Karel de Gucht, qui a dû faire un aller-retour express en Haïti pour prendre la mesure du désastre, tandis que plusieurs pays européens, dont la France et l'Espagne, n'ont pas attendu pour agir de leur propre chef sur le terrain. "Je ne suis ni médecin, ni pompier", a expliqué Mme Ashton pour justifier son choix.
Au Parlement européen, les langues ont commencé à se délier au sujet de l'attitude de la diplomate en chef des Vingt-Sept, en particulier parmi les élus français, qui attendent beaucoup de ce nouveau poste, l'une des grandes innovations du traité de Lisbonne. "L'action de l'Union européenne en Haïti suscite une grande déception", estime l'eurodéputée écologiste Eva Joly. "L'Europe doit organiser la moitié du sauvetage et nous ne sommes pas visibles du tout", ajoute la présidente de la commission du développement au sein de l'hémicycle.
Les socialistes français pointent, entre autres, "les faiblesses" de la travailliste britannique pour justifier leur choix de voter contre la Commission Barroso II, lors de son investiture, le 9 février. Ils reprochent à la future vice-présidente de la Commission d'avoir passé un long week-end à Londres, en fin de semaine dernière, plutôt que de se rendre à Port-au-Prince. Cette critique est partagée par le président du groupe conservateur, Joseph Daul, l'un des hommes les plus puissants de l'assemblée.
Mme Ashton et les Vingt-Sept devraient tenter de rebondir, lundi 25 janvier, lors d'une réunion des ministres des affaires étrangères. La réunion sera présidée par la haute représentante. En marge d'une conférence des donateurs organisée à Montréal le même jour, les Européens devraient abonder les quelque 430 millions d'euros d'aide déjà annoncés en faveur d'Haïti. A la demande de l'ONU, les Vingt-Sept espèrent aussi se mettre d'accord sur l'envoi sur place d'une force de police, dont une centaine de gendarmes français. Les Espagnols, les Portugais, les Belges entendent participer, les autres pays sont moins allants ou n'ont pas encore fait connaître leurs intentions.
"Le plus important, c'est l'effort extraordinaire et la solidarité (des Européens), ce n'est pas de savoir qui va là-bas", martèle M. Barroso pour défendre Mme Ashton. "Il faut laisser le temps à Mme Ashton de prendre ses marques, il n'est pas anormal que les Etats les plus présents en Haïti pour des raisons historiques se sentent les plus concernés", dit un diplomate.
"Moi, j'étais parti dans la région dès le lendemain du tsunami", rappelle Michel Barnier, l'ancien ministre des affaires étrangères français. En tant que futur collègue de Mme Ashton au sein de la Commission, le Français se garde de la critiquer ouvertement : "Avant la visibilité, c'est l'efficacité qui compte, dit-il. Tout le monde a réagi avec les outils disponibles, mais nous souffrons d'un manque de coordination préalable."
Du coup, le séisme haïtien relance le projet d'une force de protection civile européenne, une idée détaillée par M. Barnier en 2006. Depuis, le rapport "Europaid" est resté dans les tiroirs. "Ce sont les Etats qui n'en ont pas voulu", se plaint M. Barroso. L'Allemagne et le Royaume-Uni s'étaient montrés parmi les plus réticents à l'époque. Mme Ashton ne s'est pas encore exprimée sur le sujet.
Strasbourg, Bruxelles Bureau européen
Philippe Ricard
Le Monde
23.01.10
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