lundi, mai 10, 2010
*Nicolas Sarkozy met en scène son retour sur le théâtre européen*
***Nicolas Sarkozy a convoqué à l'Elysée le premier ministre François Fillon, le ministre du budget François Baroin, celui des affaires étrangères Bernard Kouchner, des affaires européennes Pierre Lellouche, le directeur de cabinet de la ministre de l'économie Christine Lagarde et Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement.
La presse guette une déclaration. Il n'y en aura pas. Et pour cause : les négociations sur la création d'un fonds d'assistance financière sont en cours à l'Ecofin de Bruxelles qui réunit les ministres des finances européens. Elles interdisent toute prise de position intempestive. Angela Merkel vient tout juste d'accepter le principe d'une garantie des Etats européens, alors que la délégation allemande plaidait pour des prêts bilatéraux sur le modèle de celui décidé pour la Grèce.
Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, se demande lui si le montant des garanties européennes suffira à stopper la spéculation. Nicolas Sarkozy vient d'avoir ses deux interlocuteurs au téléphone. Il s'est aussi entretenu avec Barack Obama, soucieux de voir l'euro remonter pour ne pas pénaliser les exportations américaines.
"CRISE SYSTÉMIQUE"
Dans ce contexte encore très mouvant, fallait-il vraiment réunir tous ces ministres ? "La réunion de l'Elysée était purement psychologique, pour montrer aux Français que Nicolas Sarkozy veille", décrypte un proche du président. De fait, il faudra encore six heures de discussions pour s'entendre sur les modalités du fonds européen d'assistance financière.
Depuis Paris, Xavier Musca, le conseiller économique de M. Sarkozy, est en contact avec Christine Lagarde qui négocie à Bruxelles et avec Ramon Fernandez le directeur du Trésor. C'est seulement à 1 heure que, rassuré, il cessera d'appeler Nicolas Sarkozy. L'accord entre Européens est scellé à 2 heures.
Depuis le sommet européen de vendredi, le président français orchestre son grand retour sur la scène européenne. Il cherche à prendre le leadership politique au moment où les institutions européennes démontrent leur faiblesse et où nombre de gouvernements sont fragilisés par les élections internes.
M. Sarkozy arrive au sommet avec une heure et demie d'avance et fait retarder le dîner de deux heures. Entre-temps, il multiplie les contacts téléphoniques et les rencontres avec les chefs de gouvernement : l'italien Silvio Berlusconi, le portugais José Socrates et bien sûr Angela Merkel. Le président français voit aussi Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, Herman Van Rompuy, le président de l'Union et M. Trichet.
Son analyse : l'Europe n'est plus seulement confrontée à la crise grecque. Elle vit "une crise systémique" qui appelle une "réponse systémique". La spéculation qui s'est déchaînée au cours des heures précédentes le sert. Elle a raison des réticences de Mme Merkel et de la prudence de M. Trichet.
Sur le fond, l'analyse de M.Sarkozy rejoint celle de Jacques Delors qui, dimanche à Bruxelles, fête tristement les 60 ans de l'Union européenne : l'Allemagne a trop tardé à réagir. Mais comme ce dernier, le président français refuse la politique du bouc émissaire.
Il joue à fond l'entente franco-allemande : "Il tenait absolument à préserver l'unité du couple et ne voulait pas donner l'impression de bousculer Angela Merkel", souligne un responsable de la majorité. C'est un changement total par rapport à 2008. A l'époque, M. Sarkozy n'hésitait pas à étaler sur la place publique les irritations que suscitait la lenteur de réaction du partenaire allemand face à la crise financière.
FRONT INTERNE
Sur les photos du week-end cependant, le couple s'affiche désuni : Angela Merkel a fait le déplacement à Moscou pour assister aux cérémonies du 65e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale. Nicolas Sarkozy, lui, a déclaré forfait.
Dès vendredi, à la sortie du Conseil européen, il a jugé la crise européenne trop grave pour faire le déplacement au risque de froisser Dmitri Medvedev, le président russe. Samedi, il annule officiellement son déplacement. "En période de crise, les Français préfèrent que leur président soit en France plutôt qu'à Moscou", fait valoir Franck Louvrier, responsable de la communication à l'Elysée.
C'est qu'une autre bataille se déroule sur le front interne. Le parfum de rigueur distillé par François Fillon, sur fond de crise européenne ne fait pas l'affaire de l'Elysée. Jeudi, le premier ministre a annoncé le gel des dépenses publiques pendant trois ans.
Vendredi, le chef de l'Etat a demandé à son premier ministre de contester le mot de rigueur pour ne pas fournir d'angle d'attaques aux syndicats conviés à l'Elysée lundi 10 mai pour un sommet social. "La rigueur, ce n'est pas du tout la politique du président et du gouvernement", indique Henri Guaino, le conseiller spécial du président dans un entretien au Figaro samedi.
Si Nicolas Sarkozy entend faire de l'Europe un tremplin pour rebondir, il ne veut pas donner l'impression que l'Europe dicte l'austérité à la France. Dans la majorité cependant, le mot n'est plus tabou. "Le mot que j'utilise, c'est celui de rigueur", a commenté lundi sur Europe 1 Jean-François Copé, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale.
Françoise Fressoz, Sophie Landrin et Arnaud Leparmentier
Le Monde
10.05.10
Bien à vous,
Morgane BRAVO
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