samedi, janvier 10, 2009
***Quel animal pour incarner l'Europe ? Donnez votre avis***
***Les Américains ont leur aigle, les Russes leur ours et les Chinois leur panda. Et les Européens ? Amis internautes, donnez vous aussi votre avis !
L'année 2009 a été décrétée année européenne de la créativité et de l'innovation. Pour l'occasion, la Commission a même proposé un slogan : "Imaginer. Créer. Innover". La Tribune y va donc de sa suggestion : doter l'Union d'un symbole animalier.
"Un animal pour l'Europe ? Ce serait une excellente idée !", s'exclame le président de la commission des affaires constitutionnelles du parlement européen. Et si Jo Leinen est aussi enthousiaste, c'est parce que l'Union européenne souffre d'un déficit d'incarnation évident. "Un animal emblème rapprocherait l'Europe des citoyens", poursuit l'eurodéputé allemand. Nicolas Sarkozy a su donner durant six mois un visage à l'Europe. Mais le reste du temps, il est vraiment difficile pour les journaux d'illustrer les Vingt-Sept quand ils veulent montrer autre chose que des drapeaux, des bâtiments officiels ou des "photos de famille" !
Certains s'y risquent quand même. Récemment, pour accompagner un article sur la réponse européenne face à la crise financière, le New York Times a choisi la photo d'un taureau en bronze. Cela a dû ravir les Espagnols, mais tous les Européens se sont-ils reconnus dans cette représentation ? Les Américains ont-ils bien compris que l'on parlait de l'Europe et non pas de Wall Street, au beau milieu de laquelle mugit la célèbre statue "bullish"...
Le recours à la symbolique animalière viendrait compenser l'absence de statut officiel du drapeau aux douze étoiles et de l'"Ode à la joie" de Beethoven. Pour éviter que le traité de Lisbonne ne rappelle par trop la Constitution rejetée par les Français et les Néerlandais, tous les symboles — y compris ces deux-là — ont en effet été bannis du document promis à une ratification finale cette année. Les eurodéputés ont tout de même choisi de les reconnaître dans leurs murs car "ces symboles contribuent, selon eux, à unir et à donner une âme à l'Europe".
La majorité des pays membres ont déjà leur animal emblématique
Héritée de la tradition héraldique, la symbolique animalière perdure dans la plupart des pays de l'Union. Dans cette grande ménagerie européenne, le lion trône en maître absolu. De la Finlande à l'Espagne, en passant par le Royaume-Uni et la République tchèque, il figure en bonne place dans les documents officiels. Et pour cause, le roi des animaux incarne le pouvoir, la sagesse et la justice. L'aigle a, lui, la faveur des pays situés à l'est du Rhin. Allemands, Autrichiens et Polonais sont très attachés à ce symbole de force et de prestige. Les Français font, une fois encore, bande à part avec ce bon vieux coq apparu au temps où la Gaule était romaine. En latin, "Gallus" signifie à la fois "Gaulois" et "coq".
Selon nos détracteurs, aucun autre animal n'aurait pu mieux résumer l'esprit de clocher des Français : "c'est le seul animal qui continue de chanter, même du haut de son tas de fumier !", peut-on entendre railler certains de nos voisins. Autant dire qu'il y a peu de chances que la France impose sa mascotte.
Pour désigner l'animal symbolisant le mieux la diversité européenne, La Tribune a soumis une liste à la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen qui a accepté de nous aider.
Il a d'abord fallu faire une sélection en respectant des règles de base. A défaut de s'imposer de lui-même parce que seul représentant de son espèce dans le pays en question, comme le kangourou en Australie ou le kiwi en Nouvelle-Zélande, un animal emblème doit être représentatif d'une communauté.
Le premier sur la liste tire donc sa légitimité des origines onomastiques de notre continent. Dans la mythologie grecque, Europe, princesse phénicienne, fut enlevée par Zeus, qui prit soin de se métamorphoser en taureau blanc pour l'approcher sans l'effrayer. "Je ne peux imaginer un autre choix que le taureau, explique Michel Pastoureau, historien des emblèmes et de la symbolique animale. Ce serait tourner le dos à vingt-cinq siècles d'histoire qui ont constamment donné à l'Europe un taureau pour attribut." Le ruminant paraît donc incontournable dans ce bestiaire.
Mais d'autres suggestions méritent qu'on s'y attarde. Valéry Giscard d'Estaing avait par exemple choisi une "tortue-dragon" pour symboliser la rédaction de la Constitution européenne. Son petit compagnon en porcelaine était posé sur la table de la présidence lors des débats. Symbole de longévité, cette créature de la mythologie chinoise dotée d'un corps de tortue et d'une tête de dragon représentait pour le président "la démarche prudente qui aboutit à son objectif". Comme la Convention, "la tortue-dragon avançait de manière progressive pour saisir dans ses griffes, le moment venu, le texte final". On a vu le résultat. Sans doute vaut-il mieux s'en tenir à un animal existant.
Eric Baratay, spécialiste de l'histoire des relations entre l'homme et l'animal, considère en effet que le symbolisme d'un animal représentant l'Europe doit être simple : "il ne faut pas que les gens se posent de question." Alain Guggenbühl, de l'Institut européen d'administration publique, voit dans le processus d'intégration européenne le rythme propre à l'éléphant, "animal robuste, mais à la vitesse de déplacement lente".
Mario Telo, directeur de l'Institut d'études politiques de l'Université libre de Bruxelles, partage la même analyse mais pense plutôt à la tortue, la vraie cette fois, "forte, mais lente et non agressive". A première vue différents, les deux animaux affichent des caractéristiques symboliques comparables. Mais ils présentent aussi des inconvénients : la tortue est muette et l'éléphant ne vit pas sur le territoire européen. Ce qui, au passage, vaut aussi pour le lion, mais compte tenu qu'il rugit déjà dans une douzaine de pays européens, le roi des animaux se doit, par souci démocratique, de figurer dans la liste.
Jo Leinen a encore une autre idée. Etant donné que l'Union européenne s'est construite dans le refus de la guerre et que ses principales caractéristiques sont la paix et le dialogue, l'eurodéputé opterait pour la colombe. A en croire Eric Baratay, un oiseau serait effectivement un bon choix pour représenter la construction européenne : "c'est l'animal qui s'élève au-dessus des frontières, qui les transgresse." L'aigle incarne certes plusieurs pays européens, "mais il est trop belliciste". Le professeur d'histoire s'orienterait plutôt vers la chouette, incarnation de la sagesse. C'est d'ailleurs déjà l'animal emblème de la Grèce. "La chouette symboliserait l'Europe qui joue un autre jeu dans le concert des nations que celui du rapport de forces", poursuit-il.
La colombe ou le taureau ?
Le bestiaire composé d'un taureau, d'une tortue, d'un éléphant, d'un lion, d'une colombe et d'une chouette a été proposé aux membres de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen. Parmi ceux-ci, l'ancien Premier ministre belge, Jean-Luc Dehaene, l'ancienne Premier ministre finlandaise, Anneli Jäätteenmäki, ou encore le conseiller de Nicolas Sarkozy pour les Affaires européennes, Alain Lamassoure.
Cette commission compte également quelques eurosceptiques qui ont préféré ignorer notre liste pour proposer avec humour : le crabe, le hérisson et le paresseux géant. Pour ceux qui ont joué le jeu, la tortue et l'éléphant, synonymes de "frein à main serré", n'ont pas convaincu. Le lion et la chouette ont fait à peine mieux, le premier jugé "cliché" et la deuxième "ennuyeuse".
Au dépouillement des questionnaires, deux animaux se partagent la première place : la colombe et le taureau. Ce dernier a suscité à la fois l'enthousiasme de certains députés dopés par leur goût prononcé pour l'arène - "toro, toro, toro !" - et la réticence d'autres qui le trouvent "sexiste", voire "agressif". Idem pour la colombe, pour les uns "magnifique symbole de la paix et aussi de la culture européenne si on choisissait la colombe dessinée par Picasso" mais "pas vraiment original" et "trop catholique" pour les autres. Il va donc falloir trancher. Et pourquoi cette tâche ne reviendrait-elle pas aux Européens eux-mêmes ? Ce serait en tout cas plus amusant et surtout moins assommant que les 448 articles de la Constitution...
Yann-Antony Noghès,
correspondant de La Tribune à Bruxelles
La Tribune.fr
09/01/2009
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