*** Si les dirigeants de l'UE se mettent d'accord sur un mini-traité constitutionnel lors du sommet qui débutera le 21 juin, il sera totalement différent du projet initial de Constitution. Est-ce la bonne voie à suivre ? A la veille du sommet européen, des désaccords persistent sur le devenir de l'Europe.
La Voix du Luxembourg (Luxembourg)
Laurent Moyse relève que "les points qui font obstacle à un nouveau compromis, pourtant fortement dilué par rapport à la première proposition, n'ont pas grand-chose à voir avec les motifs de refus qu'ont avancé les partisans du 'non' [à la Constitution]. (...) On est en passe d'assister à une dilution complète de l'Europe communautaire. Jetant par dessus bord principes et valeurs qui furent âprement discutés pendant des mois, les opposants au traité sont parvenus à torpiller un projet qui était loin d'être la panacée mais qui avait le mérite de jeter les bases d'un meilleur fonctionnement. Ils ont trouvé des alliés inattendus, dont les intérêts sont parfois à l'opposé d'une Europe unie et solidaire. Quant à l'argument entendu voilà deux ans selon lequel une crise en Europe ne pouvait être que salutaire, la réalité démontre le contraire. L'esprit destructeur n'a jamais été de bon conseil."
De Standaard (Belgique)
Le quotidien flamand estime qu'on ne peut pas faire de l'UE "les Etats-Unis d'Europe. On ne peut pas comparer de vieilles nations comme la France ou la Pologne avec le Kansas ou l'Ohio. Ceci n'est pas le discours d'un eurosceptique. L'ex-ministre française socialiste Elisabeth Guigou, qui fait partie du camp pro-européen, a tenu ces propos à Bruxelles lors d'un colloque organisé par les Amis de l'Europe. (...) Les discussions à couteaux tirés sur la Constitution européenne démontrent une fois pour toute combien il est illusoire de parler des Etats-Unis d'Europe. (...) Faire comme si l'Union allait grandir jusqu'à devenir un super-Etat, comme les Etats-Unis, avec un président, un gouvernement, un Congrès, une armée, une politique étrangère, sans oublier une seule langue... c'est faire preuve d'aveuglement et non pas de volontarisme."
Aftonbladet (Suède)
A l'occasion du sommet européen, le journal appelle le chef du gouvernement suédois Fredrik Reinfeldt à ne pas perdre de vue que l'opinion publique suédoise tient particulièrement à ce que la Constitution européenne comporte une composante sociale. "La Charte européenne des droits fondamentaux [rédigée en 2000] est en danger. C'est elle qui définit les droits syndicaux essentiels comme le droit de grève et les conventions collectives. L'objectif est de rendre cette charte juridiquement contraignante et de créer un contrepoids aux forces du marché. (...) En ce qui concerne les questions sociales et la charte des droits fondamentaux, la résistance vient surtout du Royaume-Uni. Le gouvernement suédois cache son jeu et suit l'Allemagne. Toutefois, si Fredrik Reinfeldt cède sur des questions importantes pour les travailleurs et l'Europe sociale, ce sera la guerre quand il rentrera au pays."
Népszabadság (Hongrie)
László Szöcs se demande quelles seraient les conséquences d'un échec du sommet européen. "Si le sommet échoue, les institutions européennes devront poursuivre leur travail avec la règle de droit en vigueur aujourd'hui. Ce serait une véritable gifle politique pour les 27 Etats membres car les réformes institutionnelles seraient encore renvoyées aux calendes grecques. La politique étrangère commune restera rudimentaire, les décisions de politique intérieure et de sécurité seront compliquées par le droit de veto et le bien-fondé de l'élargissement européen pourrait être remis en question. Selon le Traité de Nice, aucun nouveau pays ne peut entrer dans l'UE, ce qui va bloquer l'intégration des pays de l'Ouest de Balkans."
Hospodarske Noviny (République tchèque)
David Klimes analyse la position des principaux critiques de l'UE. "Les Pays-Bas sont les grands gagnants au hit parade imaginaire des eurosceptiques. Les élites politiques qui soutenaient le premier projet de constitution se sont humblement rangés à l'opinion exprimée par les citoyens au référendum." Le journaliste donne son avis sur l'exigence de la Pologne de réformer le système de vote de l'UE. "C'est un guet-apens tendu aux grands pays, notamment l'Allemagne. Les frères Kaczynski veulent avoir plus de poids - prétendument au titre d'un renforcement de la démocratie dans l'UE. Ce sont toutefois les Tchèques qui occupent la position la plus tragique. Ce qui est secondaire pour les autres Etats - comme l'attribution d'un statut constitutionnel au drapeau européen ou à l'hymne de Beethoven - représente pour les Tchèques un événement politique par excellence."
Cotidianul (Roumanie)
Sever Voinescu déplore que les Roumains ne prennent pas part au débat actuel sur le traité européen. "La Roumanie est représentée dans les commissions à Bruxelles, elle peut faire des remarques, voter. Mais nous ne sommes que des insulaires dans un coin reculé d'Europe. Nous sommes incapables d'être membres de l'UE - nous sommes à des années-lumière des grands thème européens. La Roumanie est totalement absente du débat sur la Constitution européenne. (...) L'UE n'évoque qu'une seule chose aux politiciens roumains : tirer profit des fonds. Pour nous, il n'est pas question de responsabilités."
Courrier International