samedi, novembre 10, 2007
***Belgique et balkanisation***
***La Belgique peut subsister plus de 150 jours sans gouvernement mais ne survivra pas si l’intérêt général ne suffit plus à créer un minimum de consensus entre ses deux composantes, la Flandre et la Wallonie.
Depuis les élections du 10 juin, la sempiternelle question linguistique empêche la formation d’un nouvel exécutif et plonge le royaume dans une crise apparemment sans issue.
Le dernier coup de force des députés flamands est particulièrement grave, dans la mesure où il vise l’un des derniers symboles, avec la monarchie, de l’unité du pays : le statut de Bruxelles et de ses environs. La périphérie de la capitale abrite la seule circonscription mixte du pays, qu’il est question maintenant de scinder en deux.
Pour la première fois depuis la création du pays, en 1830, les représentants des six millions de Flamands ont utilisé leur majorité pour imposer leur volonté aux quatre millions de francophones. La tradition du compromis à la belge, qui a permis aux deux communautés de vivre ensemble depuis 177 ans, est sérieusement mise à mal.
La Flandre a su profiter des transferts venant d’une Wallonie industrielle jadis prospère pour investir, se moderniser et devenir la région la plus riche du pays. Elle veut maintenant s’émanciper, opte pour un libéralisme économique visant à lui faire profiter de la mondialisation et cherche à se libérer du boulet que représente pour elle une communauté francophone attachée à la défense de ses acquis sociaux.
Aux dernières élections, un Flamand sur quatre a voté pour des partis qui veulent la fin de la Belgique.
L’hypothèse de la partition, naguère invraisemblable, doit aujourd’hui être prise au sérieux.
Il y a dans la surenchère autonomiste – et parfois indépendantiste – flamande le même parfum de revanche historique que celui qui existe en Espagne, avec les revendications du Pays basque et de la Catalogne. Même s’il est moins avancé, un processus similaire est à l’œuvre dans d’autres pays européens comme en Italie du Nord ou au Royaume-Uni avec la dévolution accordée à l’Écosse et au pays de Galles.
Il est paradoxal de constater que la logique du chacun-pour-soi s’étend à mesure que progresse la construction européenne. Certains semblent plus enclins à aider un pays éloigné, récemment entré dans l’Union, qu’à se montrer solidaires de leurs propres compatriotes moins favorisés.
Certes, l’Europe encourage la décentralisation et le régionalisme. Il y a là un facteur de développement et de libération d’énergies considérable. Mais il ne faudrait pas que les séparatistes de tout poil aient le sentiment d’agir en parfaite impunité et qu’ils puissent penser bénéficier, quoi qu’il arrive, des avantages de l’Union européenne.
À l’heure où se profile l’indépendance du Kosovo, l’Europe devrait se poser la question de ses frontières intérieures. Laisser imploser la Belgique, pays fondateur de l’Union européenne, siège de ses institutions, serait ouvrir la porte à la balkanisation de l’Europe.
L’éditorial de Pierre Rousselin du 9 novembre 2007.
Le Figaro
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