***Egemen Bagis, 39 ans, a été nommé en janvier ministre d'Etat, négociateur en chef avec l'Union européenne (UE). Partisan d'une accélération du rythme des réformes, il incarne l'aile libérale de l'AKP au pouvoir.
Comment la Turquie réagit-elle aux élections européennes et à la question turque dans la campagne ?
Le résultat était attendu : le centre droit et les conservateurs restent majoritaires. L'émergence des Verts est le progrès le plus notable. Les Verts sont largement en faveur d'une intégration de la Turquie, ils veulent une Europe multi-culturelle. De toute façon, le Parlement européen n'a pas un rôle décisif. Le plus important pour nous reste le message de la Commission et des Etats membres.
Celui de la France et de l'Allemagne a été assez virulent...
Malheureusement, en période de campagne, certains politiques utilisent des arguments qu'ils n'ont pas besoin d'utiliser. Les leaders européens devraient se concentrer sur la manière de résoudre nos problèmes communs. L'Europe va affronter des défis dans les vingt ou trente ans à venir. La sécurité énergétique, la défense, le trafic d'êtres humains, l'intégration des immigrants, la crise économique, le terrorisme, l'islamophobie... Ces problèmes nécessitent la coopération des Etats membres.
L'intégration de la Turquie à l'UE aidera à résoudre ces questions. L'Europe a besoin de la Turquie, au moins autant que la Turquie a besoin de l'UE.
Vous rejetez donc la proposition franco-allemande d'un partenariat privilégié ?
La Turquie sera membre à part entière de l'UE ou pas du tout. Il n'existe pas d'intermédiaire. Ce statut de "partenaire privilégié" n'a aucune base légale sinon nous le serions déjà. Nous sommes dans l'union douanière et dans les institutions européennes. Plus de cinq millions de Turcs vivent dans les pays membres. Nous sommes déjà dans l'Europe.
Ne pensez-vous pas que l'UE a besoin de preuves concrètes de l'engagement de la Turquie dans le processus de réformes ?
Je peux vous donner quelques preuves. En 2007, il y a eu quatre élections en Turquie, puis en 2008, le procès en dissolution du parti au pouvoir. Malgré cette période difficile, nous avons fait adopter la loi sur les fondations religieuses non musulmanes, amendé l'article 301 du code pénal [il réprimait l'insulte à l'identité turque et il a été utilisé pour poursuivre des dizaines d'intellectuels]. A chaque fois, nous avons rencontré une forte résistance de l'opposition. Et, dès le début de 2009, nous avons publié un programme national des réformes des quatre prochaines années. Nous avons commencé à diffuser en langue kurde sur une chaîne de télévision publique, dans un pays où se dire kurde était quasiment un crime il y a dix ans. Nous avons ratifié le protocole de Kyoto, décrété férié le 1er mai, créé un comité parlementaire pour l'égalité hommes-femmes... Tout cela en cinq mois.
Il n'y a donc pas de ralentissement des réformes ?
C'est l'opposition qui ralentit la Turquie. Ils font de l'obstruction. Quand, en plus, des leaders européens découragent l'opinion publique, ça n'aide pas. Je vois l'UE comme le diététicien de la Turquie.
Nous savons que si nous suivons la prescription, nous serons en meilleure santé. Mais ça n'est pas toujours facile de suivre la prescription. Vingt-sept pays sont devenus plus prospères et plus démocratiques en appliquant les critères de Copenhague et de Maastricht. C'est ce que la Turquie doit faire. Tous les pays qui ont commencé les négociations ont fini par adhérer.
ISTANBUL CORRESPONDANCE
Guillaume Perrier
Le Monde
13.06.09.
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