***Pauvre traité de Lisbonne ! Jusque dans la dernière ligne droite, sa ratification restera incertaine et chaotique. Face aux nombreux obstacles qui s'opposent encore à l'entrée en vigueur de ce traité destiné à rendre l'Europe plus efficace et qui doit être ratifié par les vingt-sept Etats membres, le Conseil européen a choisi de parer au plus pressé : vendredi 19 juin, à Bruxelles, il a accordé aux Irlandais le "protocole" qu'ils exigeaient avant d'organiser un deuxième référendum sur le traité. "Nous avons maintenant une base solide pour obtenir un oui", s'est félicité le premier ministre irlandais, Brian Cowen. Il a annoncé le référendum pour le début du mois d'octobre.
Les Irlandais avaient déjà dit non au traité de Lisbonne lors d'un premier référendum, en juin 2008. M. Cowen s'était engagé à les faire revoter, à condition de leur offrir des garanties sur les sujets qui avaient alimenté leurs inquiétudes : maintien de la neutralité militaire, refus d'une harmonisation fiscale supplémentaire - l'Irlande a dû sa croissance économique au faible impôt sur les sociétés, un véritable attrait pour les multinationales -, refus de voir imposer par l'Europe l'autorisation de l'avortement.
Rien dans le traité de Lisbonne ne venait remettre en cause ces "vaches sacrées" irlandaises, habilement exploitées par les partisans du non. Le geste demandé par Brian Cowen aux autres Européens est plus politique que juridique : il ne s'agit pas de modifier le traité de Lisbonne, puisqu'il ne contredit pas les garanties demandées, mais de prouver aux électeurs irlandais que leur vote n'a pas été méprisé et que l'Union européenne est prête à les écouter.
Vendredi, le Conseil a donné à ces garanties, déjà formulées en décembre 2008, une forme juridique : il s'est engagé par écrit à les annexer sous la forme d'un "protocole" au prochain traité européen, lequel sera vraisemblablement le traité d'adhésion de la Croatie ou de l'Islande. Pas question, en effet, d'annexer ce protocole au traité de Lisbonne : ce serait fournir des armes aux adversaires du traité, qui pourraient exiger de reprendre à zéro le processus de ratification.
Le président tchèque, Vaclav Klaus, connu pour son europhobie et qui refuse toujours, comme son homologue polonais, Lech Kaczynski, de signer le traité, a tout de même saisi la perche. Dans une lettre à son premier ministre, Jan Fischer, il assure que les garanties à l'Irlande ont valeur de traité international et doivent être soumises à un vote du Parlement tchèque. Son analyse est unanimement contestée au Conseil, y compris par M. Fischer, mais elle a de quoi donner l'occasion aux eurosceptiques de repartir au combat. Notamment à David Cameron, leader de l'opposition conservatrice britannique et probable futur premier ministre : il brandit la menace d'un référendum qui remettrait en cause la ratification du traité par le Royaume-Uni.
Les Vingt-Sept s'y préparent. Gordon Brown, premier ministre britannique, en position instable, a tenté de s'opposer à cette forme contraignante du "protocole", qui risque de rouvrir le débat risqué de la ratification. Mais entre le risque de voir les Irlandais dire non une seconde fois et celui de s'affronter aux manoeuvres juridiques des eurosceptiques, les vingt-sept dirigeants de l'UE ont choisi de circonscrire l'incendie le plus urgent, le vote des Irlandais.
Sans lui, pas de traité de Lisbonne. Donc pas de Parlement renforcé, pas de prises de décision facilitées par l'abandon du droit de veto et le passage à la majorité qualifiée dans un plus grand nombre de domaines, pas de président stable du Conseil européen, pas de fusion des services diplomatiques de la Commission et du Conseil gérés par un futur ministre des affaires étrangères... Même si les Irlandais votent oui, les Européens auront d'autres incendies à éteindre : du côté de la République tchèque, de la Pologne et du Royaume-Uni.
Bruxelles Envoyée spéciale
Marion Van Renterghem
Le Monde
21.06.09.
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