***La Haute Cour de justice britannique a rendu un jugement, mardi 16 juin, que les internautes vont scruter à la loupe. Elle a jugé que l'identité d'un blogueur n'avait aucune raison d'être protégée par la justice et tenue secrète, si tant est qu'elle ait été démasquée. Rien ne l'oblige donc à se déclarer mais s'il est découvert, il ne peut, légalement en tout cas, exiger la confidentialité.
En l'occurrence, le juge a autorisé le quotidien Times à révéler le nom du fondateur et animateur de NightJack, un blog devenu culte sur les tréfonds de la police et la vie quotidienne de ses officiers. Richard Horton, qui sert dans les forces de l'ordre du Lancashire, n'a pas eu droit à l'anonymat qu'il souhaitait. Il a, dans la foulée, reçu un avertissement de travail de sa hiérarchie.
M. Horton avait construit sa défense autour de la mission d'"intérêt public" que représentaient ses activités sur la Toile. A ce titre, estimait-il, il pouvait avancer caché. La tenue d'un blog "est une activité publique bien plus que privée", a pour sa part arbitré la Cour. Dès lors, la protection de la vie privée ne peut être invoquée.
Qui plus est, a ajouté le juge, quand bien même M. Horton aurait été légitime à se cacher derrière un pseudonyme, la Cour lui aurait donné tort. "Il n'est pas du devoir de la justice de protéger des officiers de police qui agissent à l'encontre du règlement", a-t-il expliqué. M. Horton, dans son blog, ne se contentait pas de critiquer certains hommes politiques ou de mettre en cause certaines habitudes de sa profession, il dévoilait également des détails sur les affaires qu'il suivait. Certes, il changeait les noms des personnes et des lieux mais, pour le reste, il restait fidèle à la réalité. Et divulguait des informations confidentielles à peine travesties.
NightJack, que M. Horton a fermé il y a quelques semaines, a en quelque sorte été victime de son succès. Le réalisme de ces textes avait conquis un large public puisqu'il recevait jusqu'à un demi-million de visites par semaine. En avril, le blog avait même reçu le prix Orwell. Ce blog "vous emmène au plus près du travail d'un policier", avait déclaré le jury. Pas étonnant, dans ce contexte, qu'un journaliste du Times ait cherché et réussi à savoir qui se cachait derrière cette prose éloquente et initiée.
"JOURNALISTES CITOYENS"
"Des milliers de blogueurs anonymes seront horrifiés à l'idée que la loi ne les protège pas", a jugé Hugh Tomlinson, avocat de M. Horton. Car la décision de la Haute Cour de justice, la première du genre en Grande-Bretagne, pourrait faire jurisprudence. "Ce serait une honte que cette affaire décourage des gens de raconter le service public vu de l'intérieur", a commenté Jean Seaton, présidente du prix Orwell.
Tom Reynolds, un ambulancier londonien qui tient un blog avec le soutien de sa hiérarchie, a estimé que la décision de justice "revenait à demander ses sources à un journaliste. On nous dit que nous sommes des journalistes citoyens. Dans ce cas-là, nous devrions, comme tous les journalistes, bénéficier de la protection de nos sources". Le Times n'est sans doute pas de cet avis.
LONDRES CORRESPONDANTE
Virginie Malingre
19.06.09
Le Monde
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