jeudi, novembre 05, 2009
***La non-victoire de Václav Klaus...***
***C’était le dernier à faire encore de la résistance, mais le président tchèque a finalement signé, le 3 novembre, le traité de Lisbonne. Même s'il a obtenu une exception à la Charte des droits fondamentaux, il a fait un bien piètre et inutile coup d'éclat.
L’Europe centrale, comme le reste du continent, se préparait à un drame, qui a finalement bien fini. Klaus a négocié avec Bruxelles une exception à la Charte européenne des droits fondamentaux, accordée avec une rapidité étonnante. C’était la condition pour signer le traité de Lisbonne.
Mais comment les Hongrois, les Slovaques et les Autrichiens allaient-ils réagir au retrait des décrets de Benes* de la Charte européenne ? A Bruxelles ce jeudi [29 octobre], le Premier ministre slovaque Robert Fico demande confirmation de l’UE, écrite noir sur blanc, que la Charte européenne des droits fondamentaux sera détachée des décrets de Benes. De son côté, le chef du gouvernement hongrois prévient que la demande tchèque pourrait constituer un “dangereux précédent” pour l’Europe, et que celle-ci est“inacceptable” pour Budapest. Et puis soudainement, plus rien. Le sommet débute à 17 heures, la discussion sur la demande tchèque commence après 20 heures, et jusqu’à 21 h 30, quand la nouvelle sur un accord tombe au centre de presse, aucune information ne filtre. Mais les journalistes ne s’intéressent plus aux Tchèques. Le calme affiché par les Suédois [la Suède préside l’UE] et le discours de Klaus devant de l’UE la semaine précédente avaient montré que la plupart des capitales européennes considéraient déjà l’exception tchèque comme acquise. “Qu’il signe et qu’on passe à autre chose, on l’a assez entendu”, commentent, résignés, les diplomates, les politiciens et les journalistes questionnés peu après le dernier assaut de Klaus.
Plus tard, on a pu constater que le chemin menant à la signature était jalonné de petits paragraphes précisant que l’exception tchèque n’aurait aucun impact sur les pays voisins et que la législation nationale tchèque ne saurait être modifiée du fait de la Charte européenne des droits fondamentaux. C’est précisément là qu’il faut chercher les raisons de l’apaisement côté autrichien, slovaque et hongrois : les conflits de propriété dans les Sudètes n’ont aucun rapport, de près ou de loin, avec la Charte.
Pourtant, l’obtention de cet accord n’a pas été idyllique, loin s’en faut : Nicolas Sarkozy, tenu en laisse par Angela Merkel à la demande des négociateurs tchèques, se serait soulagé en déclarant que Klaus signerait le traité de Lisbonne, de son propre sang s’il le fallait, et le Premier ministre [intérimaire] tchèque Fischer avouait que garder son calme dans une discussion qui tournait autour des décrets Benes lui avait coûté beaucoup d’efforts.
De toute cette mélasse on peut tirer au moins deux conclusions. D’abord, on peut constater que le chef du pays ne s’inquiète pas du fait que les revendications tchèques ne s’imposeront pas juridiquement avant d’être ratifiées par les autres pays européens – probablement en 2011, en même temps qu’un nouvel accord d’élargissement à la Croatie [pour que la dérogation tchèque soit avalisée, il faut en effet un “protocole” en bonne et due forme, qui doit être ratifié par l’ensemble des Etats membres ; ce protocole devrait être annexé au prochain traité d’adhésion]. Ainsi, sous le coup du traité de Lisbonne, qui entrera probablement en vigueur le 1er décembre prochain, mais avant la ratification de l’exception tchèque, les maisons de campagne tchèques dans les Sudètes vont se retrouver “dans la tourmente” prédite par Klaus.
Ensuite, de la même façon que la République tchèque a demandé cette exception, elle peut tout aussi bien y renoncer. Il suffirait que le prochain Premier ministre du nouveau gouvernement décide que cette même exception, tant désirée aujourd’hui, ne soit plus demain exigée par son pays. Et enfin personne, ni en République tchèque, ni dans le reste de l’Europe, n’a une idée précise de la date de la signature par Václav Klaus du traité de Lisbonne. Celle-ci devrait survenir après avis favorable de la Cour constitutionnelle, avant le 9 novembre – il participera ce jour-là, à l’invitation d’Angela Merkel, à la commémoration de l’anniversaire de la chute du mur de Berlin. Si entre-temps il ne sort pas de son chapeau un nouveau coup surprenant.
Dans ce cas improbable, l’avenir est plutôt limpide. La patience européenne arriverait rapidement à son terme, le président tchèque se retrouverait totalement isolé. La République tchèque, elle, peut s’en remettre rapidement, car l’Europe ne saurait associer sans discernement Klaus et son pays. Mais il importe que les hommes politiques tchèques tirent les leçons de cette expérience. Auront-ils la volonté de réévaluer constitutionnellement les pouvoirs présidentiels, sachant que Václav Klaus restera président de la République tchèque jusqu’en 2013 ?
* Les décrets signés en 1945-1946 par le président tchécoslovaque d’alors, Edvard Benes, ont servi de base juridique à la confiscation des biens et à l’expulsion de Tchécoslovaquie, après la Seconde Guerre mondiale, de 3 millions d’Allemands des Sudètes, sous l’accusation collective de collaboration avec le régime nazi.
Katerina Safarikova
Courrier International
04.11.2009
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