mercredi, février 11, 2009
***COMMENT DEVIENT-ON ADULTE EN EUROPE ?***
***Une jeunesse redéfinie :
De nombreux travaux réalisés au début des années 80 ont consacré la jeunesse comme une étape transitoire, avant le franchissement des trois seuils traditionnels de l'entrée à l'âge adulte : emploi stable, résidence indépendante et mise en couple. Ainsi, la jeunesse s'inscrivait dans une conception statutaire des âges de la vie séparés les uns des autres par des frontières fixes et immuables.
L'étude de Cécile Van de Velde dépoussière les anciennes études sur les jeunes adultes que l'on croyait immuables. Son ouvrage, "Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe", montre que ces "check-point" obligatoires ne sont plus figés : ces différentes étapes sont progressives, discontinues et réversibles. Les seuils classiques tendent à se déliter, les frontières se font flexibles et poreuses, et le prétendu adulte ne se conçoit plus lui-même comme un être fini : la notion d'adulte ne renvoie plus à un statut, elle n'est que la perspective.
*Devenir adulte en Europe : "Les Français sont des scandinaves contrariés"
Comment devient-on vraiment un adulte en Europe ? Faut-il partir de chez ses parents, obtenir son dîplome de fin d'études, entrer dans la vie active, ou tout simplement se sentir adulte ?
Le passage de l'enfance à l'âge adulte a évolué partout en Europe : si pour l'ancienne génération partir du foyer familial faisait automatiquement entrer dans le monde adulte, ce n'est plus tout à fait la cas aujourd'hui.
Cécile Van de Velde, maître de conférences à l'EHESS et auteur de l'ouvrage "Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe", décrypte pour les Euronautes cette période charnière chez les jeunes Européens. L'ouvrage est le fruit d'un longue enquête menée au danemark, au Royaume-Uni, en France et en Espagne et qui tend à mettre en lumière les logiques sociales contemporaines qui accompagnent cette métamorphose en Europe occidentale.
*Danemark, Royaume-Uni, France et Espagne : quatre manières de devenir adulte en Europe :
Les différences entre les jeunes des pays européens sont très marquées selon Cécile Van de Velde. Cependant, deux caractères se retrouvent invariablement chez tous les jeunes gens étudiés par la chercheuse : le désir de se construire, d'explorer et la volonté d'être indépendant.
Pour mener à bien son étude, Cécile Van de Velde a étudié un panel d'adultes en devenir de quatre pays (Danemark, Royaume-Uni, France et Espagne), représentatifs de la diversité européenne. Pour chacun de ces pays, la chercheuse a synthétisé une typologie d'expériences qui varie d'un Etat à un autre au regard des facteurs socio-culturels et notamment de la place de l'Etat, de l'école et de la famille. Quatre pays, quatre façon de devenir adulte : Se trouver au Danemark, s'assumer au Royaume-Uni, se placer en France et s'installer en Espagne.
Se trouver, correspond à une manière de vivre sa jeunesse comme un temps long d'exploration et d'expérimentation dans une logique de développement personnel : prise d'indépendance précoce, itinéraires tortueux et discontinus vécus harmonieusement, construction progressive de soi et définition d'une identité sociale. Cette hypothèse est celle des pays scandinaves, Danemark en tête. La sociologue précise que l'horizon adulte chez les jeunes scandinaves est "très subjectif, très identitaire". Leur parcours est marqué d'une longue trajectoire, très mobile que se soit au niveau du couple, de l'emploi ou encore les études. Le jeune scandinave n'est pas enfermé dans un chemin normé, il est libre de définir sa vision de l'adulte.
S'assumer touve sa place dans un cadre libéral tel que le Royaume-Uni qui favorise le développement d'une jeunesse plus courte, tournée vers l'émancipation individuelle. Le jeune homme ou la jeune femme doivent faire les preuves de leurs capacités individuelles d'indépendance et d'autofinancement et à rompre eux-mêmes les liens qui les relient à la famille et à l'Etat. Les pays de tradition anglo-saxonne sont marqués par une jeunesse très courte qui s'illustre par le souhait de devenir rapidemenent indépendant par le travail et pas un parcours d'études très cours. La sociologue relève également que ces jeunes se marient et ont des enfants assez tôt. Le devenir adulte anglo-saxon passe ce parcous balisé.
Se placer renvoie au modèle français. L'investissement dans le capital humain sous les espèces de la scolarisation et de la course aux diplômes est le facteur premier. Ce modèle est également caractérisé par une dépendance prolongée de la famille et un sentiment d'urgence assez pesant. Les jeunes doivent rapidement rentrer dans le rang, s'intégrer à tout prix et le plus vite possible. Les jeunes français sont, pour la chercheuse ,des "scandinaves contrariés" : brider par les normes sociétales les jeunes français n'ont pas d'autre choix que de renoncer à leur désir d'exploration. "Ils aimeraient avoir des parcours longs, exploratoires et trouver leur place mais la structure française les invite à se définir très tôt, à avoir un diplôme tôt et, du coup, à avoir un statut social défini une fois pour toute".
Enfin, s'installer semble illustrer le mieux le cas espagnol. Les jeunes espagnols s'inscrivent dans une logique d'appartenance familliale. Partir de chez ses parents constitue la dernière étape d'une processus normé en trois étapes : emploi stable, mariage, achat d'un logement. La typologie espagnole s'applique à tous les pays méditerranéens.
*La peur de devenir adulte ?
Les jeunes européens n'ont pas peur de devenir adultes. "Si peur il y a, selon Cécile Van de Velde, c'est d'être définis de manière trop précoce et de ne pas trouver sa place dans la société".
Ici également les contrastes sont plus marqués d'un pays à l'autre. Ainsi, dans certains pays, il est aisé d'entrer pleinement dans la vie adulte, notamment dans les pays du Nord (Suède, Danemark, Norvège ...) où l'Etat est présent pour assurer l'indépendance des jeunes et garantir leur désir de mobilité. L'Etat du Nord permet aux jeunes gens de ne pas avoir peur de l'avenir, de ne pas craindre l'entrée dans la vie adulte.
Mais ce constat contraste avec les sociétés latines et notamment la France "où la place faite aux jeunes est relativement restreinte, l'insertion est difficile même avec un niveau d'études elevé". Dans le cas des pays du Sud il n'y a pas non plus de peur d'entrer dans la vie adulte. "C'est dans la peur de ne pas trouver un travail" qu'il faut trouver la raison de ce retard.
La sociologue milite pour le développement d'une "jeunesse Erasmus" qui, grâce au versement de bourses aux jeunes européens, permettrait une plus grande mobilité et donc, à terme, d'améliorer les perspectives d'insertions professionnelles, comme le modèle des pays scandinaves l'encourage.
Cécile Van de Velde est maître de conférences en sociologie à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), anciennement chargée de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris. Elle a été lauréate du Prix Le Monde de la recherche universitaire pour sa thèse "Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe".
Les Euronautes
09/02/2009
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