vendredi, février 13, 2009
*L'Union européenne doit résister à la tentation du chacun pour soi*
***En Europe, l'expansion des déficits publics et la dégradation de la cote de solvabilité de certains Etats ont rendu l'emprunt coûteux. Les plus fragilisés n'en ont plus les moyens. Il existe de tels écarts entre les taux de rémunération qu'on peut s'interroger sur le sort de la zone euro, et même sur celui de l'Union européenne (UE). Pourtant, si celle-ci le veut bien, elle trouvera le moyen de se ménager un avenir.
Ce qu'il faut, c'est créer une institution emprunteuse centralisée, à laquelle tout pays pourrait faire appel, sous certaines conditions. Les dettes seraient émises au nom de l'ensemble des pays membres, mais les conditions d'octroi seraient sévères. Il serait exigé du demandeur l'application de réformes structurelles, dont la mise en place serait soumise à une surveillance rigoureuse. L'idée ne séduit guère les pays riches de l'UE. Ils doivent déjà s'occuper de la récession qui frappe leur économie, et n'ont pas envie de se priver d'une partie de leurs ressources pour voler au secours de leurs voisins. Ils devraient pourtant penser aux contreparties avantageuses que leur générosité pourrait leur rapporter.
L'effort ne serait pas si important. Il faudrait prendre en charge le déficit public des pays les plus vulnérables - Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie, Estonie, Lettonie, Hongrie, Bulgarie et Lituanie. Au total, il s'agirait de garantir l'emprunt de 125 milliards d'euros en 2009, soit l'équivalent de 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) de l'UE. Les bénéfices, eux, ne seraient pas minces. La baisse du coût de l'emprunt aiderait les pays les moins pourvus à rembourser leurs échéances. Actuellement, la Grèce et le Portugal doivent accorder une rémunération supérieure de deux points à celle de l'Allemagne. Ce surcoût serait alors amoindri et le risque d'insolvabilité quasi nul.
La liste des conditions requises pour bénéficier de la garantie mutualisée produirait des effets vertueux. Les pays demandeurs adopteraient des politiques économiques plus rigoureuses tout en empruntant moins cher. De cette manière, il serait possible de venir à bout de la rigidité de certains marchés du travail, des entraves à la libre concurrence et de la charge excessive que font peser certains secteurs publics hypertrophiés.
L'Europe a intérêt à se montrer compatissante plutôt qu'à tourner le dos aux plus faibles. A la première déclaration de défaillance au sein de la zone, tous les Etats en difficulté seront sanctionnés, et l'euro aura peut-être à en pâtir. L'UE pourrait voir sa cohésion minée, et ses principes de libre échange et de libre concurrence remis en cause. La zone euro doit rester unie si elle veut garder son marché vaste et efficace.
L'idée d'un organe central d'emprunt ne pourra se concrétiser que si elle réunit un large consensus au sein de l'UE, ce qui ne va pas de soi. Il faudra convaincre les pays sérieux d'apporter les fonds, et les pays mal gérés d'accepter les conditions. L'armée de bureaucrates installée à Bruxelles est bien mal placée pour y réussir. L'Europe saura-t-elle trouver des hommes d'Etat dignes de ce nom pour relever ce défi ?
(Traduction de Christine Lahuec.)
LE MONDE
13.02.09
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