***La plainte de l'autorité des marchés boursiers américains (SEC), reprochant à Goldman Sachs d'avoir trompé ses clients, a un effet boule de neige en Europe, où la percée de la banque d'affaires américaine est sérieusement menacée.
Hector Sants est une vedette. Dans le milieu des grands prédateurs de la City, le directeur général de la Financial Services Authority (FSA) a accroché à son tableau de chasse quelques fauves de première catégorie. Le gendarme de la première place boursière européenne s'attaque aujourd'hui à Goldman Sachs en ouvrant une enquête officielle "en relation avec les récentes affirmations de la SEC".
Hector Sants s'intéresse plus particulièrement aux agissements de Goldman Sachs International, la principale filiale étrangère du géant new-yorkais.
Le Français Fabrice Tourre, 31 ans, l'un des auteurs du montage contesté adossé à des prêts hypothécaires risqués au cœur de l'enquête américaine sur les fraudes, travaille dans cette société couvrant l'Europe, le Proche-Orient et l'Afrique.
L'affaire Goldman Sachs a également des répercussions en Allemagne, où la banque IKB prépare une demande de dommages-intérêts après la perte de 150 millions de dollars (112 millions d'euros) dans ladite opération, menée par la banque américaine.
Pour sa part, la chancelière, Angela Merkel, n'a pas exclu un recours juridique pour récupérer le manque à gagner d'IKB. Des membres de la coalition conservatrice-libérale ont exigé le gel des transactions de Goldman Sachs avec l'Etat allemand en attendant les conclusions de l'action de la SEC. Des entreprises pourraient suivre l'exemple des pouvoirs publics.
En France, autre terrain d'action important de Goldman Sachs, la ministre de l'économie, Christine Lagarde, a déclaré que, à première vue, la plainte américaine n'avait aucune implication. L'Autorité des marchés financiers doit faire un rapport fin avril sur la question.
Comment expliquer la décision de la tutelle britannique d'ouvrir une enquête sur un dossier apparemment mince sur le plan juridique ? Fabrice Tourre a beau être installé à Londres depuis novembre 2008, les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés à New York en 2007.
Aujourd'hui nationalisée, la Royal Bank of Scotland, qui a perdu un milliard de dollars dans l'aventure, a racheté en connaissance de cause la banque d'affaires néerlandaise ABN Amro, dont le portefeuille contenait les produits structurés toxiques.
C'est que ce scandale est très politique, au Royaume-Uni, en pleine fièvre électorale. Goldman Sachs a été propulsée au cœur du débat des élections législatives du 6 mai. Alors que le premier ministre, Gordon Brown, a qualifié la banque new-yorkaise de "faillite sur le plan moral", son challenger libéral-démocrate, Nick Clegg, a demandé son exclusion des futurs mandats d'émissions d'Etat et de privatisations. Conscient de l'extrême impopularité de la City, David Cameron, le leader de la droite, n'a pas été en reste pour dénoncer les agissements de Goldman Sachs.
DES FAUX PAS SANCTIONNÉS
Par ailleurs, depuis sa création en 2001 pour mettre un peu d'ordre dans les marchés, le FSA a vu ses pouvoirs augmenter sans cesse. Or, en cas de victoire, l'opposition conservatrice s'est engagée à enlever à cet organisme ses prérogatives de supervision bancaire, pour les confier à la Banque d'Angleterre. En s'en prenant au symbole par excellence du capitalisme financier, Hector Sants espère torpiller cette promesse d'abolir le FSA.
A Londres comme à Berlin, Goldman Sachs paie aujourd'hui ses multiples faux pas. Chargée de piloter la nationalisation de la caisse hypothécaire Northern Rock, la banque a surfacturé le Trésor britannique avant de se rétracter. De plus, la "Firme" a été accusée de saper la confiance des marchés envers la Royal Bank of Scotland, son client, précipitant sa chute quelques mois plus tard.
Il en est de même en Allemagne. Dans le Financial Times du 15 février 2010, Otmar Issing, ex-membre du directoire de la Bundesbank puis économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), a signé un texte au vitriol hostile à l'opération de sauvetage de la Grèce par les Vingt-Sept.
Issing a signé cette tribune en omettant de préciser que, depuis 2006, il est conseiller international de Goldman Sachs, la banque conseil du gouvernement d'Athènes. Or cette banque a aidé la Grèce à maquiller ses comptes pour rejoindre l'euro.
Quant au patron de la filiale allemande, Alexander Debelius, il a provoqué un vif tollé en déclarant que son employeur "n'avait pas d'obligation à promouvoir le bien commun". Qui dit mieux ?
Londres, correspondant
Marc Roche
Le Monde
22.04.10
Bien à vous,
Morgane BRAVO
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