lundi, mars 26, 2007
* Les entreprises françaises veulent plus d'Europe...!
*** Les PDG des grands groupes de l'Hexagone saluent les bienfaits du marché unique et de l'euro.
** LES PATRONS français n'hésitent pas, quand on leur demande quels sont les gagnants de la construction européenne. A 71 %, ils répondent « les grandes entreprises », selon une enquête du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger, auprès de 400 PDG européens. L'influence politique, le progrès social ou la recherche viennent bien derrière.
Les dirigeants allemands, eux, ne sont que 31 % à penser que l'Europe les a aidés à se développer. A peine un sur vingt estime qu'il faut être leader sur le marché européen pour conquérir le monde. Alors que 30 % de leurs homologues français en sont convaincus. Comment expliquer cette différence ? « D'emblée, les Allemands se sont dit : nous sommes des industriels, notre marché, c'est le monde entier. Les Français, eux, se disaient : nous sommes des agriculteurs, nous avons besoin des subventions de l'Europe et d'un marché protégé », explique Vincent Mercier, directeur de Roland Berger en France.
De fait, rappelle Ernest-Antoine Seillière, président du patronat européen, « quand le général de Gaulle a décidé de mettre en oeuvre le traité de Rome, le milieu entrepreneurial y était plutôt hostile. Il craignait la concurrence. Il a fallu la lui imposer. Cinquante ans après, ceux qui sont les plus réticents ne sont plus du tout les mêmes : ce sont les syndicats et les opinions. Il y a eu un renversement de front ». Ce que confirme Bertrand Collomb, président du cimentier Lafarge : « Le marché unique, en particulier, a créé un nouvel état d'esprit. De national, le cadre des entreprises est devenu européen. La concurrence les a aussi poussées à être plus performantes. » L'euro a renforcé le mouvement.
Et elles ont finalement bien réussi leur européanisation, en rachetant des sociétés, en fusionnant avec d'autres ou en s'installant chez leurs voisins. Le think tank (laboratoire d'idées) bruxellois Bruegel constate que sur les 100 premières entreprises européennes (par leur valeur boursière), 18 sont françaises, ce qui place la France devant l'Allemagne (14 sociétés). Le poids du marché français dans les ventes et les effectifs de ces groupes n'est plus que de 35 % (contre 47 % en 1997). Celui de l'Europe, globalement, approche 70 %. Les entreprises allemandes, sont elles aussi très européennes, mais elles ont encore davantage poussé leurs pions hors de l'Union, où elles réalisent plus de 40 % de leurs ventes.
Les fusions continuent
Les chefs d'entreprise, Ernest-Antoine Seillière en tête, sont donc les premiers à regretter la panne de l'Europe politique. Ils plaident pour que l'intégration des 27 pays membres aille plus loin, pour que les dernières barrières au marché unique tombent, pour que les PME tirent mieux profit de ce dernier, et pour que l'Europe porte un message commun sur les sujets mondiaux, comme l'environnement.
Le mouvement de consolidation européen des entreprises, lui, continue, avec de grands mariages comme France Télécom-Amena, Pernod Ricard-Allied Domecq ou BNP-BNL. Plusieurs opérations sont en cours dans le secteur de l'énergie, la banque britannique Barclays et la néerlandaise ABN Amro viennent d'ouvrir des discussions et le groupe britannique Imperial Tobacco a fait une offre au franco espagnol Altadis.
Pour autant, cette dynamique n'a pas encore effacé les nationalismes. L'affaire EADS, avec toutes ses particularités, l'a rappelé. « Il y a un manque d'enthousiasme pour construire des groupes vraiment européens », constate Vincent Mercier, citant le rachat de la Bourse européenne Euronext par celle de New York, qui a été préférée à un rapprochement avec la Bourse allemande.
« La nationalité des entreprises est encore une donnée forte. Elles restent très marquées par leur État d'origine », constate Jean Peyrelevade, associé de la banque d'affaires Leonardo. « Il n'y a pas beaucoup d'incitation à la construction de groupes multi-européens », regrette Ernest-Antoine Seillière, soulignant les insuffisances du statut de société européenne et l'absence d'incitation fiscale à fusionner. Jean Peyrelevade regrette aussi qu'on ne mesure pas les effets des délocalisations à l'intérieur de l'Union : « Si on croit aux bienfaits du marché unique, elles n'ont pas la même signification qu'un départ en Chine, car elles généreront plus de croissance dans l'Union. »
SOPHIE FAY.
Publié le 23 mars 2007
LE FIGARO
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