*** À l'étranger, les commentaires oscillent entre hommage et indifférence
* LE DÉPART annoncé de Jacques Chirac n'a jusqu'ici suscité que de rares commentaires à l'étranger. Pourtant, les préférences exprimées à demi-mot sur le choix de son successeur en disent long sur les sentiments qu'inspire sa sortie de la scène politique.
Il en va ainsi à Berlin, où Angela Merkel, plutôt discrète sur la campagne présidentielle, a fait savoir qu'elle connaissait et appréciait Nicolas Sarkozy. Il est vrai que, aux yeux de la chancelière, Jacques Chirac demeurait un partenaire familier, mais difficile, et que les relations franco-allemandes, bien que cordiales, n'ont jamais atteint le niveau de confiance qui prévalait à l'époque de Gerhard Schröder ou de Helmut Kohl.
Plus loquace, la presse britannique dresse un bilan sans complaisance du « bulldozer » Chirac. Le Times souligne que le chef de l'État français « a échoué à réduire la fracture sociale et à restaurer la prospérité ». The Observer explique de son côté que le retrait de Jacques Chirac « marque un tournant historique dans la politique française ». Pour le Sunday Telegraph, « c'est la fin d'une monumentale carrière ». Si la longévité au pouvoir est un critère de succès, Jacques Chirac est un maître, confirme BBC News.
En Italie, seul le journal Il Sole 24 Ore évoquait hier la prestation télévisée de Jacques Chirac pour s'interroger sur sa réaction au projet de Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l'Identité nationale. Mais que faut-il comprendre lorsque le chef du gouvernement, Romano Prodi, qui entretient de bonnes relations personnelles avec Chirac, met en évidence son « amitié » pour François Bayrou ?
Le paradoxe prévaut en Espagne. Le prochain départ de Jacques Chirac semble en effet chagriner la gauche et réjouir la droite. Le chef du gouvernement, José Luis Zapatero, qui s'était aligné sur la France lors du conflit irakien, perd un allié au sein de l'Union européenne, alors que le Parti populaire (PP, opposition) mené par José María Aznar, qui mise sur une victoire de Nicolas Sarkozy, voit dans le départ de Chirac la fin des tensions entre le PP et l'UMP.
Bush souhaite à Chirac « ce qu'il y a de meilleur »
Concernant un homme que les Américains disent avoir « adoré détester », l'indifférence manifestée aux États-Unis est presque étonnante. Une information en bref parue dans le Christian Science Monitor indiquait hier que Jacques Chirac avait « réservé du temps d'antenne » pour annoncer qu'il « ne briguera pas un troisième mandat ». Ailleurs dans la presse, pas une ligne. En fait, si les médias américains s'intéressent à la campagne électorale française, avec une préférence marquée pour Nicolas Sarkozy « l'Américain » et une curiosité nouvelle pour François Bayrou, il y a beau temps qu'ils ont prononcé l'oraison funèbre d'un président qualifié de « canard boiteux » avec un petit ton de revanche sur celui qui les avait mis en garde contre l'aventure irakienne. Pourtant, hier soir, George Bush a été le premier à réagir sur la scène internationale. « Le président Bush souhaite ce qu'il y a de meilleur au président Chirac au moment d'entrer dans la vie après la politique », a déclaré un porte-parole de la Maison-Blanche à Bogotá, où se trouvait le président américain.
Aux antipodes de la condescendance de la presse américaine, la Russie évoque avec regrets « l'ami Chirac » et le « dernier gaulliste ». Le président français, qui a décerné à l'automne la Grand-Croix de la Légion d'honneur au président russe, a toujours estimé contre-productif de tancer Poutine sur les violations des droits de l'homme en Russie, ce dont Nicolas Sarkozy ne s'est pas privé, en déclarant fin février qu'on ne peut « rester silencieux face aux 200 000 morts des guerres de Tchétchénie ».
Au Proche-Orient, les sentiments sont partagés. Les Palestiniens ne cachent pas leur regret de voir partir l'homme qu'ils considèrent comme leur meilleur allié parmi les dirigeants occidentaux. Israël souligne de son côté que Chirac a oeuvré en faveur d'un rapprochement avec l'État hébreu au cours de son second mandat. Pour autant, le premier ministre, Ehoud Olmert, n'exprime aucun état d'âme et dit espérer de son successeur un « rééquilibrage » de la politique française au Proche-Orient.
Le Figaro
Publié le 12 mars 2007
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