jeudi, mars 22, 2007
* Les médias européens passionnés par la campagne...! France
*** Vu d'Europe, les Français vont se choisir un roi. "Le président de la République en France, c'est Dieu sur terre !, s'extasie Corinne Portier, correspondante de la RTBF belge et de la Télévision suisse romande. Une fonction sans équivalent dans aucune démocratie occidentale. Cette fois, le spectacle promet. L'affiche est alléchante."
** Au début, les choses étaient simples. A droite, un homme, Nicolas Sarkozy. "Une bête politique, pour Corinne Portier. Avec ce côté très dynamique, à la limite de l'agressivité. Rien que pour cela, il fascine les Suisses." A gauche, une femme. "Elle présente bien, elle est belle, commente Charles Bremner, correspondant du Times à Paris. Elle s'est hissée au pouvoir en assumant sa féminité, contrairement à Margaret Thatcher ou Angela Merkel."
Et voici que débarque le troisième homme, François Bayrou. Les rédactions s'affolent. Les correspondants étrangers produisent de la copie. Jusqu'à un article par jour pour des quotidiens comme El Pais ou la Frankfurter Allgemeine Zeitung. "Cette élection, on la suit presque autant en Grande-Bretagne qu'une élection nationale, témoigne le correspondant du Times. Je couvre les élections présidentielles depuis 1981. C'est la première qui suscite autant d'intérêt outre-Manche. Sans doute à cause du changement de génération." Sophie Pedder, de l'hebdomadaire The Economist, fait le même constat. "J'ai regardé les archives de 2002. Avant fin mars, nous avions très peu écrit sur la campagne. En 2007, nous publions au moins un article par semaine. Nous n'avons jamais autant fait sur une élection française..."
La France intrigue, la France fascine. Cela a commencé en 2002, avec l'arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour. Cela a continué en 2005 par le non massif à la Constitution européenne. Les émeutes dans les banlieues ont été un autre coup de tonnerre dans le ciel européen. "Vu d'Allemagne, la France était considérée comme un modèle en matière d'intégration. La crise des banlieues a sidéré les Allemands", se souvient Michaela Wiegel, de la Frankfurter Allgemeine.
Le prochain président français est d'abord attendu sur la question européenne. "On guette celui qui amorcera la sortie de crise", explique la correspondante du quotidien allemand. La France est perçue comme l'homme malade de l'Europe. "Est-ce qu'elle va continuer sur la même voie ou bien faire face enfin à ses problèmes ? s'interroge Sophie Pedder..Mon sentiment est que la France se situe à un moment clé de son histoire. Elle ne peut pas continuer à se payer un modèle social qui ne crée que du chômage. Je crois que les Français en sont conscients. Je n'ai jamais vu une élection présidentielle où l'on parlait autant de la dette".
François Bayrou est considéré comme le plus européen des candidats. "C'est celui qui fait le moins peur, estime Michaela Wiegel. Il s'entend bien avec Angela Merkel. Sarkozy a une image agressive. Sa gestion de la fusion Sanofi-Aventis n'a pas laissé un bon souvenir. Quant à Ségolène Royal, elle fait craindre un retour aux deux premières années de Mitterrand et à la politique de relance."
Vu d'Italie, François Bayrou apparaît comme... le plus italien. "Il est démocrate-chrétien, centriste, catholique, homme de compromis. Il a tout pour plaire aux Italiens, pour qui la politique est l'art du compromis", s'amuse Alberto Toscano, correspondant de l'hebdomadaire Panorama et auteur d'un livre intitulé France-Italie, coups de tête, coups de coeur (Tallandier). Les Anglais, au contraire, s'en méfient. "C'est un fédéraliste européen, note la correspondante de The Economist. Il veut harmoniser les politiques fiscales. Cela ne correspond pas à la vision des Anglais."
Ségolène Royal est partie avec une cote d'amour considérable. Trop belle pour durer. "Des tas d'articles lui ont été consacrés en Italie. On l'a même comparée à Jeanne d'Arc ! Mais même cette sainte a fini par être brûlée...", constate avec philosophie le correspondant italien. Il n'empêche qu'aux yeux des Européens, la candidate socialiste reste l'incarnation d'un certain "chic", en français dans le texte. "Elle s'habille de manière très classique, toujours vêtue d'un tailleur, note le correspondant d'El Pais, José Marti. Son élégance est très française."
Mais le charme de la candidate socialiste ne suffit pas à emporter l'adhésion des correspondants étrangers. "On peut craindre que le phénomène Royal ne cache le retour de la vieille garde socialiste, avec un ravalement de façade", note avec acidité le correspondant du Times. "Vu d'Allemagne, Ségolène Royal reste dans la tradition d'un socialisme archaïque, étatiste et keynésien, commente Michaela Wiegel. Les comparaisons avec Merkel tournent à l'avantage de la chancelière. Celle-ci n'a jamais commis de gaffe en politique étrangère, un domaine dans lequel elle était pourtant inexpérimentée."
Nicolas Sarkozy demeure le préféré des Anglo-Saxons. La correspondante de The Economist est cependant saisie d'un doute. "Il ne parle plus autant de la rupture. Est-ce qu'il est toujours décidé à opérer de vraies réformes économiques ?" Sa déclaration sur le ministère de l'identité nationale suscite l'incompréhension. "Vous imaginez le tollé en Allemagne si un ministre de la CDU parlait de l'identité nationale !, s'exclame José Marti, d'El Pais. Pareil en Espagne. Une telle question est explosive. Combien y a-t-il d'identités chez nous avec les régions, les particularismes locaux ? Et qu'est-ce que cela veut dire aujourd'hui, en Europe, l'identité nationale ?"
Xavier Ternisien
Article paru dans l'édition du 23.03.07.
LE MONDE
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