vendredi, avril 20, 2007
* La France à l’ère numérique : Nicolas Sarkozy *
*** Le numérique est l’un des plus grands défis pour la nation aujourd’hui. Ses enjeux sont multiples : croissance, avec à la clef des centaines de milliers d’emplois, liberté, connaissance, diversité culturelle, qualité de vie, pouvoir d’achat ... Il n’est pas un secteur de notre société qui ne soit touché par l’apparition d’internet et les bouleversements qui en résultent. C’est une révolution qui se déroule sous nos yeux, la révolution numérique.
* Les cinq années à venir seront déterminantes. Les réseaux à haut débit arriveront à maturité. Les réseaux à très haut débit d’une part, l’internet mobile d’autre part, commenceront à apporter leur lot de bouleversements nouveaux. Les métiers de la culture, en particulier la musique, seront plus que jamais au cœur de ce nouvel environnement et accompagner leur mutation en protégeant leurs spécificités est un enjeu majeur. Le pouvoir des citoyens se renforcera. La sécurité informatique deviendra une préoccupation essentielle. Il faudra veiller à ce que personne, quel que soit son âge ou sa situation sociale, ne soit laissé pour compte de ces évolutions.
* Dans ce domaine aussi, je veux donc réformer en profondeur notre pays pour qu’il puisse se saisir de ces multiples opportunités, lui donner les moyens de franchir ces étapes sans renier nos valeurs, notre culture, notre identité et en les portant au niveau international.
* C’est pourquoi, je veux vous présenter les objectifs que je propose à la France pour qu’elle entre de plain-pied dans l’ère numérique si je suis élu président de la République.
* Nous connaissons les problèmes à surmonter, nous connaissons les moyens pour les surmonter. Ce qu’il faut avant tout c’est la volonté politique. La mienne est fondée sur trois convictions.
* La première, c’est qu’internet est multiple, foisonnant, décentralisé par nature. L’heure est venue de libérer les énergies numériques françaises, dans chaque région, chaque commune, chaque quartier, chaque foyer.
* La deuxième, c’est qu’internet est et doit rester un espace de liberté. Mais liberté ne signifie pas absence de règles, ni absence de protection contre les risques de dérive d’une société totalement numérisée. La CNIL sera le garant de ces équilibres et je ferai évoluer son statut vers plus d’indépendance et plus de moyens d’action.
* La troisième, enfin, c’est qu’internet est un territoire sur lequel il faut savoir anticiper et agir ensemble. Dans cet univers décentralisé, la concertation et l’intelligence collective sont indispensables. Mais notre pays souffre aussi d’une absence de pilotage politique et technique lui permettant de s’affirmer comme une nation qui compte dans le monde numérique. Nous devons nous doter d’une gouvernance d’internet.
* Avec un potentiel d’au moins un demi-point de croissance supplémentaire, l’économie numérique est l’un des moyens que je veux utiliser pour vaincre le chômage. C’est une économie de talents, la France en est très largement dotée, elle ne sait simplement ni les utiliser, ni les retenir. Elle les bride. Je veux les libérer.
* Il n’y a pas d’économie sans travail. Mes engagements pour vaincre le chômage et réhabiliter le travail sont au cœur des besoins de l’économie numérique. Elle gagnera en compétitivité grâce à l’exonération des heures supplémentaires de charges sociales et fiscales, au contrat de travail unique, à la réforme de l’imposition qui pèse sur le travail et les entreprises. Mais le numérique, ce sont aussi des emplois plus qualifiés, mieux payés. Je veux que l’accès y soit facilité. Pour cela je réformerai les nomenclatures des formations et des métiers pour qu’elles correspondent mieux aux réalités des professions de l’internet et du numérique et prennent en compte les multiples spécialités qu’elles recouvrent, et je ferai du doublement du nombre de télétravailleurs un objectif prioritaire tant celui-ci représente une opportunité d’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail.
* Internet est une chance pour réhabiliter l’effort, le goût du risque, et augmenter le pouvoir d’achat. Sur internet, chacun peut créer son activité et en vivre. Nous le voyons tous les jours. Au lieu de l’étouffer, je ferai en sorte que l’Etat facilite, incite et soutienne ce foisonnement de micro-initiatives. Pour faire le pendant avec l’exonération de charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires, les revenus tirés d’une activité numérique personnelle seront exonérés de charges sociales et fiscales dans une limite à définir. Au-delà, un statut simplifié de micro-entreprise numérique permettra à ces activités de croître et de se développer.
* Le défi, c’est de mettre notre pays en situation de tirer le meilleur parti des multiples nouveaux services et usages que le très haut débit et l’internet mobile rendront possibles. Il est majeur. La recherche et l’innovation en sont le cœur. En augmentant le budget de l’enseignement supérieur de 50% en cinq ans et l’effort de recherche de 40%, j’ai l’ambition de leur en donner les moyens. Je ferai d’internet l’une des quatre ou cinq priorités de la recherche nationale et je favoriserai la création d’incubateurs d’entreprises dans les universités, qui seront alors considérées comme des zones franches.
* Enfin, notre économie doit produire des champions mondiaux. Elle en a le potentiel, mais ce n’est pas le moindre des paradoxes français que de brider leur énergie au lieu de la soutenir. La France n’est-elle pas le berceau de l’un des trois premiers éditeurs mondiaux Linux et l’une des dernières à l’utiliser ? Je veux en finir avec la logique du « on ne prête qu’aux riches » qui prévaut dans notre économie de l’innovation. Nous manquons cruellement d’investisseurs providentiels. Je veux faire rester et revenir les investisseurs en France par le bouclier fiscal à 50%. Et il sera possible de déduire de l’ISF jusqu’à 50 000 euros investis dans une PME. Une partie des marchés publics et des crédits publics de recherche sera réservée aux PME. Des filières d’excellence telles que l’industrie logicielle, quel que soit son modèle de développement, ou l’industrie du jeu vidéo seront reconnues comme des priorités pour libérer leur capacité de croissance et de développement.
* Le principe d’égalité est au cœur d’une démocratie irréprochable. Internet et le numérique sont une chance unique pour la démocratie si l’on respecte ce principe, un risque majeur si on le néglige. Lutter contre les inégalités numériques est un impératif. Tous les Français, quel que soit le lieu où ils vivent ou travaillent, doivent avoir accès au haut débit à 1 mégabit minimum, demain au très haut débit. Mais l’accès ne sert à rien sans équipement et la France accuse un retard urgent à combler. Je m’assigne le triple objectif de 100% des écoles connectées en haut débit et 100% des universités en WiFi, de doubler le nombre de foyers équipés et de créer un point d’accès public à internet dans au moins un tiers de nos communes. Parmi les moyens pour l’atteindre, je favoriserai les offres matérielles premier-prix, pour lesquelles les logiciels libres sont un véritable atout. Je sais qu’il est aujourd’hui possible d’avoir sur le marché des offres à moins de 500 euros, voire beaucoup moins au travers de solutions telles que le recyclage informatique par exemple.
* Egaux devant l’accès, les citoyens doivent aussi l’être devant le savoir et l’usage. C’est un enjeu de démocratie comme de sécurité. L’ordinateur n’est pas un minitel évolué, c’est une porte ouverte sur le monde, avec ses richesses, mais aussi ses risques. Je ferai de la formation numérique une priorité. Je réviserai profondément les programmes et référentiels, trop centrés sur la pratique à l’heure où c’est par la connaissance de la technique qu’on s’affranchit de ses contraintes. J’engagerai aussi une politique adaptée aux besoins de ceux qui ont du mal à franchir le pas du numérique, je pense notamment aux seniors, souvent déroutés face à ces nouvelles technologies, aux foyers ou aux étudiants à faibles revenus et aux TPE et PME qui les négligent faute de temps alors que c’est une condition du maintien et du développement de leur activité.
* La culture est au cœur de cette République numérique. Nous avons en France une richesse extraordinaire de création, de diversité culturelle, de pluralisme. Elle contribue à développer l’intelligence et l’imagination collectives, à créer du lien social par le partage de nos patrimoines, nos atouts et nos différences. J’engagerai une politique volontariste de soutien à la création, la production et la diffusion de contenus en ligne. Je mettrai en œuvre les moyens nécessaires pour accompagner la mutation des métiers de la création, de la production et de l’information, et pour garantir le respect de leurs droits. Je ferai de l’interopérabilité une priorité industrielle européenne tant elle détermine la liberté d’usage de chacun, quelle que soit sa condition. Enfin, les contenus culturels ou éducatifs du domaine public seront gratuitement mis en ligne et je soutiendrai les sites d’intelligence collective et ceux qui y contribuent.
* Internet et le numérique font naître de nouveaux espoirs, mais aussi de nouvelles peurs. Y répondre est une exigence républicaine. Je protégerai la liberté d’expression sur internet et je lui donnerai les moyens de contribuer activement au débat politique. L’accès en ligne au droit et au travail parlementaire sera profondément modernisé, la pétition électronique sera mise en œuvre, l’administration électronique accélérée. Mais je protégerai aussi les biens et les personnes car internet ne doit pas devenir un espace de non-droit. Je renforcerai les moyens de défense face aux agressions numériques, je ferai de la sécurité des systèmes d’information un sujet prioritaire des politiques publiques, j’ouvrirai le débat de l’indépendance technologique européenne et je protégerai le respect de la vie privée.
* Sans protection des libertés, il n’y a pas de liberté. L’univers du numérique ne doit pas perdre en atteintes aux libertés ce qu’il gagne en intelligence, en innovation, en accès de tous au savoir. Le problème de la régulation numérique ne sera pas réglé en quelques années tant il doit désormais se penser à l’échelle mondiale, mais encore faut-il que la France soit en bonne place dans ces réflexions. Je ferai de la participation française aux débats européens et internationaux un enjeu déterminant et je moderniserai la CNIL qui est en première ligne de défense des libertés. Ses membres seront auditionnés publiquement par le Parlement avant d’être désignés, et celui-ci pourra mettre son veto à leur nomination. La Représentation nationale pourra ainsi s’assurer de la compétence et de la hauteur de vue des personnes désignées. Je garantirai l’indépendance de la CNIL en la dotant d’un financement plus important et autonome, voté par le Parlement. J’ouvrirai le débat de l’extension de ses missions et de ses pouvoirs afin de mieux garantir les libertés numériques et la protection des données personnelles.
* La France aujourd’hui n’est pas en état de conduire une politique cohérente de développement numérique. Trop de structures et guichets se sont développés, personne n’incarne la volonté politique. Je confierai à un membre du gouvernement la mission de prospective, de pilotage et de coordination de la politique de l’internet et du numérique. Chef de file, il disposera des moyens politiques et financiers nécessaires à sa mission et représentera la France dans les négociations européennes et internationales sur le sujet.
* J’associerai largement la nation aux choix publics. J’installerai un forum de concertation permanente doté de la plus large représentation possible. Sous peine de nullité, son avis sera nécessaire avant tout projet de réglementation numérique et il appartiendra au Parlement de prendre ses responsabilités en fonction de ces avis. C’est là aussi que se prépareront les positions françaises à défendre dans les débats européens et internationaux auxquels ses experts pourront participer.
Enfin, le gouvernement sera comptable de ses dépenses en faveur de l’internet et du numérique. Chaque administration en charge d’un aspect de la politique numérique et de l’internet s’engagera sur des objectifs précis et chiffrés de sorte que la nation pourra évaluer l’efficacité des politiques et des financements publics engagés.
Voilà le projet numérique sur lequel je vous propose de nous réunir. Contrairement au code informatique, l’humanité n’est pas binaire. Nous pourrons avancer ensemble en privilégiant le dialogue. Ensemble nous pouvons faire de la France une grande nation numérique. C’est ensemble que tout devient possible.
Par Nicolas Sarkozy
Président de l’Union pour un Mouvement Populaire
Journal du Net – vendredi 20 avril 2007
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